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Colza d'Alice Baylac (+ 18 ans)
Comme vous le savez sur le blog, on parle malheureusement peu d'histoires de personnes lesbos-queer qui s'aiment et se désirent. On parle aussi peu de questions de genre et de la quête de soi. Mais certain.e.s commencent à me connaître, j'ai mes sujets de prédilection ... La littérature regorge de récits queer qu'il est important selon moi de présenter.
Aujourd'hui j'ai envie de vous parler du plus beau livre qu'il m'ait été donné de lire. La formule semble forte et pourtant elle est vraie.
Si vous avez la chance de connaître les éditions Blast, qui se définissent comme antiracistes, féministes, queer et anarchistes, vous n'avez pas pu passer à côté de Colza d'Alice Baylac.
Colza c'est le livre que je voudrais garder comme un bijou précieux, un secret au fond de l'âme, comme s'il n'avait été écrit que pour moi. Et pourtant tout à la fois je voudrais que le monde entier le découvre.
C'est le livre que j'offre aux personnes qui me sont les plus proches comme pour leur donner une part de moi. Colza c'est une écriture d'une poésie incroyable. Chaque phrase vous jette au visage des vagues d'images qui vous secouent, vous agrippent le cœur et ne vous font plus aborder le monde de la même manière. Ce livre m'a collée à terre, il m'a bouleversée au point que je l'ai toujours dans mon sac, pour en lire des passages seule dans des cafés ou à mes ami.e.s. Je crois bien que chaque personne rencontrée dernièrement, même quelques minutes, m'a entendue lui parler de Colza.
Colza raconte l'histoire du personnage éponyme qui effectue une traversée par-delà les limites du genre, rencontre sa non-binarité et découvre son soi lesbien. C'est l'histoire des corps qu'on consomme et consume, des sentiments qu'on découvre, des premières fois. C'est le elle qui devient elles/iels et joue le je. C'est l'histoire de merveilleuses rencontres avec des femmes dont les noms pourraient être tirés de contes et tout à la fois d'un quotidien mâtiné de culture pop. Colza sonne la mise à mort des frontières et des majuscules.
Colza est cru comme la vie, le sexe et les regards peuvent l'être.
Résumé officiel :
"Au commencement, des escapades dans les champs de colza et la découverte tranquille du corps , puis le corps vu, projeté, contraint et assigné par d'autres. Comment déconstruire l'hétéronormativité pour parvenir à être soi ? Roman de traversée, Colza s'installe dans les interstices : entre campagne et ville, entre construction d'une identité queer et misogynie intériorisée, entre fantasmagories et amours réelles. Le corps gouine s'élabore au fil de ce périple contre les injonctions patriarcales et sexistes. Ce roman est le récit du trouble : celui de Colza, qui a trouvé la liberté de s'inventer et d'écrire sa propre histoire au-delà des normes binaires".
Extraits :
"quand Colza voit MiuMiu arriver à l'école, dans le ronron d'un cortège félin, une couronne d'astres qui moire ses cheveux, ses genoux se déverrouillent, son sang galope dans sa tête et ses organes sautent à la corde dans son ventre transformé en gymnase de la trouille. Colza sourit à MiuMiu et MiuMiu lui sourit et dans le ciel, une licorne passe, puis Colza range ses organes dans son ventre ; range les oiseaux chiffonnés de ses lettres dans ses poches. tous les soirs elle écrit des lettres d'amour à MiuMiu et sa chambre abrite une volière de chuchots. le front apaisé de la nuit sur le garde-fou, la main leste du voilage ganté de tulle et la fontaine de grelots dans le gosier des rainettes, dérident l'énigme de son cœur : c'est sûr maintenant, elle aime les filles. et Colza sera son nom de gouine.
on raconte qu'un soir - ça n'arriva qu'une fois - MiuMiu de Lalave embrassa Colza. on dit que la terre trembla si fort qu'une brèche s'ouvrit dans le sol et avala le monde, un quart de seconde, avant de le recracher dans un sens différent. que Colza, quand elle rouvrit les yeux, vit que le monde était enfin à l'endroit". p.29-30
"Colza porte un secret qui ventriloque bruyamment, harangue le soleil dans ses langes pourpres, allume les platanes chétifs sur les boulevards. aujourd'hui encore, elle appartient à la grande famille des premières fois. cette nuit, elle a été baptisée gouine par une langue et deux doigts. elle qui est arrivée au monde en précédent le geste par le verbe, elle a posé du corps sur un mot - chaque baiser adressé à l'autre est devenu un baiser adressé à soi ; adressé à son soi lesbien". p.43
Alice Baylac, Colza, éditions Blast, mars 2022, 120 p.
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